ANALYSE/ CHINE,UN ETAT DEMOCRATIQUE

Publié le par FRIADIASPO

Sommes-nous en train de vivre la fin de la démocratie sans nous en apercevoir ? Contestée dans les pays mêmes qui l’ont fondée, elle fait moins rêver qu’auparavant et semble en proie au désarroi. Elle trébuche dans de nombreuses régions du monde. Le gouvernement chinois n’hésite pas à la défier et se pose de plus en plus en modèle alternatif. Depuis quelques années plusieurs intellectuels prédisent sa fin imminente voire affirment qu’elle est déjà dépassée. D’autres pointent la tendance inhérente à la démocratie à douter d’elle-même, à avancer de façon chaotique. Tablant par là sur son dynamisme et sa capacité de rebond. La démocratie affiche ses maux.

Depuis quelques années, la démocratie semble en panne. Dans les sociétés mêmes qui l’ont inventée, nombre d’intellectuels se pressent à son chevet ou prophétisent son enterrement. Contre-démocratie, hiver de la démocratie, post démocratie … Les ouvrages parus récemment multiplient les titres au ton pessimiste, alarmiste voire apocalyptique. Dans les pays où la démocratie est émergente ou inexistante, elle ne fait plus rêver comme auparavant. Le consensus de Pékin, expression qui résume le modèle chinois de développement alliant libéralisme économique et autoritarisme politique, apparaît comme une alternative redoutablement séduisante au consensus de Washington alliant libéralisation économique et démocratisation. Alors la démocratie est-elle dépassée ? Serions-nous entrés sans nous en apercevoir dans l’ère de la post démocratie ?

La plupart des démocraties des pays développés vivent une crise de confiance. Le renouveau passe-t-il par une redynamisation ou par un dynamitage du système ?

Aujourd’hui, tout le monde ou presque se réclame de la démocratie. Cependant personne n’est d’accord sur ce qu’elle devrait être. Démocratie libérale ou radicale ? Démocratie participative ou représentative ? Démocratie locale ou centralisée ? Il existe aujourd’hui quantité d’analyses sur l’état de la démocratie et sur les moyens de la renouveler. Ces débats traduisent la vitalité du débat démocratique et de la théorie politique contemporaine. Mais ils montrent également que la démocratie semble n’avoir jamais autant douté d’elle-même. Incontestable comme modèle politique, elle est incertaine sur la direction à prendre. Le triomphe de la démocratie à la fin du XXe siècle s’est accompagné d’une perte de confiance dans sa capacité à résoudre les crises du nouveau siècle, qu’elles soient économiques, sociales ou internationales.

 

La Chine doit-elle avancer vers la démocratie ou inventer un nouvel autoritarisme,
la dictature délibérative? Le débat partage les intellectuels chinois, sous l’œil intéressé du régime qui entend bien assurer sa pérennité.

En Chine, penser la démocratie, voire l’expérimenter, n’est pas tabou… tant que cela ne remet pas en cause le monopole du Parti. Depuis plusieurs années, un débat partage les intellectuels entre les tenants d’une dictature délibérative et ceux d’une démocratie « incrémentielle ». Les premiers, prônent un renforcement du règne de la loi et la consultation de la population sur les grandes décisions. Ils ont un formidable laboratoire vivant pour appliquer leurs idées, la ville de Chongking, 30 millions d’habitants soit plus que 22 des 27 États de l’Union européenne.

À Chongking, pour chaque décision importante, la mairie organise des auditions publiques par le biais de la télévision et d’Internet. Plus de 600 ont eu lieu, impliquant 100 000 citoyens, sur les dédommagements des paysans expropriés de leur terre, le niveau de salaire minimum ou la fixation des tarifs des services publics comme l’éducation, la santé, l’électricité, etc. L’expérience est désormais reprise dans plusieurs villes.

La ville de Zeguo teste, elle, une technique conçue par James Fishkin, politologue de Stanford : le sondage délibératif. Elle consiste à tirer au sort un échantillon de la population, à l’impliquer dans une consultation avec des experts, puis à faire voter le groupe. 275 personnes ont été ainsi invitées à participer, moyennant un ticket de bus gratuit et 50 renmimbi (5 euros), à une consultation sur un budget de 40 millions de yuans pour des travaux publics. Après avoir passé une journée à prendre connaissance de 30 projets de construction de stations d’épuration, de parcs, de routes, etc., le groupe en a retenu 12, tous adoptés au final par le congrès du peuple local.

La chine a entrepris de « démythifier » la démocratie. Pour elle, il faut la distinguer du règne de la loi. La démocratie sert à légitimer des officiels pour représenter le peuple tandis que le pouvoir de la loi réside dans les mains de professionnels non élus de l’appareil judiciaire et administratif. Pour elle, les démocraties occidentales confondent les bienfaits de la démocratie et du règne de la loi car leur prospérité leur permet de bénéficier des deux. Adopter la démocratie sans avoir les moyens de faire régner la loi conduirait à la corruption, au clientélisme, au renforcement des tensions ethniques et finalement au chaos.

 

Implanter la démocratie locale

C’est la raison pour laquelle le gouvernement chinois donne la priorité à l’amélioration de son système judiciaire. «  Le nombre de procès intentés par des citoyens au gouvernement est passé de 10 000 il y a cinq ans à 100 000 l’année dernière. Et le pourcentage de victoire a également fait un bond spectaculaire : autrefois inférieur à 10 %, il dépasse aujourd’hui les 40 % ».

Dans l’autre camp, démocratie et règne de la loi sont intimement liés. Selon eux, sans participation populaire, seuls les intérêts du capital sont pris en compte. Par exemple, les lois sur la propriété intellectuelle, importantes pour les affaires, ont progressé beaucoup plus vite que celles sur le travail, attendues par la population. Il est possible d’implanter la démocratie au niveau local pour gagner progressivement les instances centrales. C’est la démocratie « incrémentielle ». Le Centre d’innovation du gouvernement chinois qui recense les initiatives d’élections locales et de consultations démocratiques depuis 1999, a nominé plus de 800 innovations et décerné 30 prix d’excellence en la matière. Parmi les lauréats, le district de Pingchang expérimente l’élection des secrétaires locaux du Parti par des scrutins concurrentiels et non par cooptation de l’appareil. Si le régime développe ces expériences, c’est pour garantir sa survie et prévenir les mécontentements. « À certains égards, le gouvernement chinois est lui-même son plus sévère détracteur, pourrait on conclure. En permanence, il commande et analyse des études sur ces propres points faibles. » La Chine s’achemine-t-elle prudemment vers la démocratie ou son modèle de dictature délibérative la consacrera-t-elle comme le premier État à parti unique à produire de la stabilité ?

 

Synthèse de Modio,

Publié dans Libre Pensée

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