Critiquer l’aide internationale.

Publié le par FRIADIASPO

 1ONU 0L’aide au développement a « contribué à détruire l’agriculture de base (...) et [à] démanteler les systèmes de protection sociale (...), causant indirectement des morts et des maladies qui auraient pu être évitées (1) ».« instrumentalisation diplomatico-stratégique de l’aide », la destination de ces fonds coïncide étrangement avec les pays sous occupation ou riches en pétrole, voire les deux à la fois... Abondamment documenté, le pamphlet du Centre Europe - tiers monde (Cetim) est accablant. Si les sommes concédées aux pays en développement semblent déjà dérisoires, les pays donateurs en déduisent avec cynisme les coûts liés au traitement des demandes d’asile, les bourses pour étudiants ou la diffusion du français à l’étranger. Comme pour illustrer la froide

Cependant, en dépit du constat que le Sud finance toujours le Nord (2), le collectif genevois ne livre qu’un évasif plaidoyer pour une « véritable aide publique au développement »... Ce n’est donc pas de Suisse mais d’Afrique qu’émanent les diagnostics les plus catégoriques et les solutions les plus audacieuses. Sous-titré — en toute humilité — « Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique », l’ouvrage de l’économiste zambienne Dambissa Moyo (3) en appelle carrément à une suppression de l’aide. Mais, en ce qui concerne les politiques de rechange, elle se contente de reformuler les incantations périmées du « prêt à (dé)penser » de la Banque mondiale : le salut proviendra de la manne du secteur privé, et des libéralités de « nos amis les Chinois », amen.

Les éditions Pambazuka (4) confirment, en revanche, leur détermination à publier des écrits prospectifs. Aid to Africa : Redeemer or Coloniser ? rassemble ainsi les réflexions de quatorze intellectuels qui interrogent la pertinence même de toute aide au développement à la lumière d’exemples inédits. Analysant les brèches que la crise économique ouvre dans l’« ordre » actuel, ils appellent les nations africaines à s’émanciper de ce « prolongement de la colonisation » (comprendre : les conditionnalités liées aux prêts « à tarifs préférentiels »). Constatant que les pays occidentaux n’ont aucun intérêt à l’essor économique de l’Afrique, ils plaident pour une intégration régionale renforcée.

Animé de la même volonté d’En finir avec la dépendance à l’aide (5), l’intellectuel ougandais Yash Tandon pose les jalons d’un affranchissement de la tutelle « conceptuelle » exercée par les donateurs. Synthétique, il résume les conceptions du développement en courtes équations. Didactique, il propose une taxinomie tenant compte du contexte et des conséquences des flux financiers transnationaux. Cette classification souligne l’une des conséquences les plus insidieuses de l’« aide idéologique » : elle mine la légitimité d’Etats qui se dédouanent de leurs responsabilités envers leurs populations pour se focaliser sur les exigences des bailleurs de fonds.

Ranimer l’esprit de Bandung pour concevoir un développement « autodéfini » démocratiquement. Soutenir le secteur agricole et développer les marchés intérieurs. Enrayer l’hémorragie des fonds étatiques au lieu de se complaire dans le recours aux capitaux étrangers pour pallier le manque d’épargne... Autant de propositions concrètes, exposées avec une concision incisive et ponctuées d’invitations à le rejoindre dans cette « autre guerre de libération ».


Source  Le monde diplomatique


(1) Julie Duchatel et Florian Rochat (sous la dir. de), Efficace, neutre, désintéressée ? Points de vue critiques du Nord sur la coopération européenne, Cetim, Genève, 2009, 192 pages, 6 euros.

(2) En 2007, les pays en développement ont ainsi remboursé (au titre de leur dette) 19 milliards de dollars de plus que ce qu’ils ont reçu en aide publique.

(3) Dambissa Moyo, L’Aide fatale, Jean-Claude Lattès, Paris, 2009, 252 pages, 20 euros.

(4) Hakima Abbas et Yves Niyiragira (sous la dir. de), Aid to Africa : Redeemer or Coloniser ?, Pambazuka Press, Cape Town, Dakar, Nairobi et Oxford, 2009, 204 pages, 13 euros.

(5) Yash Tandon, En finir avec la dépendance à l’aide, Cetim, Genève, 2009, 220 pages, 8 euros.


Publié dans Politiques & Sociétes

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