Edito de Modio: FRIA, Le drame oublié !
Par M. Diakité - Nous sommes en 2012 et les responsables guinéens de la toute puissante intersyndicale du RUSAL ont appelé les travailleurs à la grève la plus importante surement de son histoire et sont en pleine désillusion aujourdhui. Ils exigeaient tout simplement l'amélioration de vie des travailleurs, et le rétablissement de l'ordre.
On leur signifie alors plus ou moins clairement que les droits de l'Homme ne sont pas les droits de l'Homme dans ce pays ‘’ (...) reconnaitre que la grève déclenchée depuis le 4 avril dernier est illégale ; accepter de perdre deux mois de salaires ; accepter une trêve jusqu’en 2013 ; assurer la protection du personnel expatrié et celle des installations. Les syndicalistes face à la pression populaire et se rendant compte de l’inefficacité de l’Etat dans le dossier ont donc signé. Non sans craindre leur licenciement dès lors qu’ils reconnaissent l’illégalité de la grève. On se rappelle que cette illégalité est un jugement du tribunal de travail.’’ Depuis les travailleurs se cabrent et survivents, des mois après: c'est le statut quo.
Cela rappelle une autre grève, il y a de cela 60 ans. Même si elle intervient à un moment où la plupart des travailleurs n’ont pas reçu leurs salaires; il ne faut pas oublier que depuis qu’elle persiste; le sacrifice du soi est déterminant pour mener à bout une revendication.
Le gouvernement actuel qui a les poings liés face à une situation délicate, la direction de Rusal de connivence avec les autorités, est déterminé à briser l'espoir de plusieurs personnes, les premiers par nécessité économique, et les seconds par incapacité. Ils utiliseront peut être d'abord la force comme pendant les précédentes, puis changeront de stratégie et optera pour des moyens plus retors: suspension des salaires, ils alterneront la carotte (billets de banque) et le bâton (menaces et intimidations des leaders syndicaux ,suivi des arrestations).
Mais ceux qui s'appellent eux-mêmes des ‘’cabris mort’’ plieront sans rompre dans cette bourgade de 120.000 âmes. On se proposera un jour de conter cette résistance qui deviendra épique, tragique. Pendant cette période si difficile, les forces qui l'alimentent s'épuise lentement, le moral qui hausse et qui baisse, le bloc qui menace de s'effriter devant l'épreuve, c’est aussi cela la transcendance humaine; mais aussi les milles petits drames occultés par l'évènement, il y'aura le courage des uns et la lâcheté des autres, l'égoïsme et la générosité de certains, l'amour qui sans échos se transformera en haine.
Les habitants qui douloureusement affamé deviennent des ‘’animaux’’; je pense aux femmes qui ne doivent pas piétiner leur vertu pour nourrir leurs enfants; les valeurs cardinales de la société ne doivent pas être impuissantes, inopérantes, et caduques même si le quotidien est inhumainement difficile aujourdhui à Fria, et comment ces mêmes valeurs, paradoxalement, peuvent rester le seul refuge et le bouclier de cette même société devant l'adversité?
L’intérêt de cette grève réside dans sa description quotidienne et ses effets induits. Il y’aura de l’arrogance, la cuistrerie des dignitaires religieux, l’attendrissante maladresse de certains travailleurs qui cherchent la réponse à leurs problèmes dans un contexte particulièrement difficile, le quotidien d’une population dont le pouls bat à la fréquence des tribunes de l’usine, dont les oreilles bien tendus vers Conakry, pour un hypothétique réponse des autorités gouvernementales, d’ici peu, les moteurs ne se taisent pour de bon(sic).
Le tour de force que réussit ces habitants, est l’un des plus difficile dans ce pays: créer une atmosphère de ‘’Quitte ou double’’, pour une meilleure condition de vie de tous ; c’est aller au-delà de la chronique. Il est impossible de ne pas s’incliner devant la portée symbolique de ce mouvement. Difficile, très difficile, de ne pas être ébloui par la puissance des acteurs et des habitants, qui ont compris qu’il faut toujours se battre pour ses droits, quel qu’en soit le sacrifice. Non pas se battre contre l’autre, mais se battre pour soi.
Chronique de Modio