FRANCE - Nicolas Sarkozy, le cabotin

Publié le par FRIADIASPO

Après six mois de présidence flamboyante de l'Union européenne, le chef de l'Etat doit revenir aux affaires courantes. Plus dure sera la chute ?


Depuis trois mois, le président français Nicolas Sarkozy raconte aux Français, aux Européens et à qui veut l'entendre sur cette planète que le monde tel que nous le connaissons est voué à une disparition prochaine. Et, au cas où ses interlocuteurs chercheraient un guide pour leur montrer le chemin pour sortir de ces ténèbres vers un avenir plus radieux, voici Sarkozy, l'homme providentiel : "Cette crise, nous ne devons pas la subir, a-t-il psalmodié. Cette crise, nous devons l'affronter de face, sans mentir. Cette crise, elle ne doit pas nous inciter à attendre, elle doit nous inciter à agir, à agir vite, à agir fort." Du pur Sarkozy, tel que nous avons appris à le reconnaître.

Ces outrances langagières auraient valu à n'importe qui d'autre d'être cloué au pilori – même si, sur le fond, il a raison sur la gravité de la crise. N'importe quel autre homme politique se serait fait éreinter pour son insupportable pédanterie, et Sarkozy ne manque pas de détracteurs. Mais, contrairement à d'autres hommes politiques, contrairement, en particulier, à tous les chefs d'Etat de toutes les grandes capitales européennes, Sarkozy n'a face à lui aucune opposition efficace. N'étant de nature ni à se laisser décontenancer ni à présenter des excuses, Sarkozy n'est aujourd'hui, dans la pratique, soumis à aucun contrôle ni à aucun contre-pouvoir. Le président français est devenu une sorte de Prométhée déchaîné, pour le meilleur et pour le pire. Jusqu'ici, dans l'ensemble, on aurait presque tendance à dire qu'il l'a fait pour le meilleur.

Nicolas Sarkozy, ce n'est pas un secret, a beaucoup aimé être le président de tout un continent, en plus de l'être dans son pays, et pourrait soutenir non sans raison qu'il a agi là où d'autres auraient temporisé, qu'il a obtenu des résultats là où d'autres n'auraient fait que parler. Il est incontestable qu'une personnalité comme la sienne s'épanouit en temps de crise. Lorsque la catastrophe financière a explosé, le 15 septembre dernier, avec la faillite de la banque d'affaires Lehman Brothers, Sarkozy aurait refusé le texte d'un discours minimisant l'ampleur du désastre. Il a préféré, dix jours plus tard, annoncer sans ménagement à ses compatriotes qu'il s'agissait de "la fin d'un monde". Libre de toute opposition, à gauche comme à droite, il a pu donner à ses politiques économiques une toute nouvelle orientation. Lui qui a été élu sur un programme libéral est passé à un interventionnisme acharné.

La pirouette est typiquement sarkozyenne. C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles il est si doué pour mettre l'opposition au tapis. Son principal credo politique est aujourd'hui ce que les Français appellent le volontarisme*, autrement dit la foi dans sa capacité à influencer le cours des choses par la seule force de sa volonté. Dans cet objectif, il adopte n'importe quelle politique pour peu qu'elle ait l'air de marcher – et de le mettre, lui, sur le devant de la scène.

Mais, si le président français s'est habitué à parvenir quasi systématiquement à ses fins, il semble aussi devenir de plus en plus susceptible face aux critiques appuyées. Autre fait dérangeant, il continue à manipuler les grands médias, dernier bastion de ses détracteurs. Lorsqu'il était ministre, ses coups de fil personnels aux journalistes qui avaient eu l'audace de lui manquer de respect étaient légendaires. Les rapports étroits d'amitié qu'il entretient avec de grands patrons de presse sont également bien connus. Plus grave, Nicolas Sarkozy est en passe de modifier le statut de l'audiovisuel français ; le dirigeant du réseau public France Télévisions sera désormais nommé directement par le chef de l'Etat. Au bout du compte, Nicolas Sarkozy passera-t-il à la postérité en homme providentiel, ou simplement comme un individu arrogant et têtu ? Seule l'histoire pourra le dire – et, peut-être, ses homologues européens. Les Français, eux, l'ont placé à la tête de l'Etat – où il n'en fait qu'à sa tête.

Publié dans Libre Pensée

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