Afrique je t’aime, surtout quand tu me fais pitié...

Publié le par FRIADIASPO

Il y a quelques semaines, alors que je zappais frénétiquement devant la télé, je suis tombé sur un drôle de publicité. Le décor est un paysage quasi désertique et le personnage principal est une jeune fille à vélo. Une voix Off et un texte disent : « En Afrique, un vélo c’est bien plus qu’un vélo… ».

Et oui... selon la pub, en « Afrique » le vélo est le seul moyen de transport qui ferait office de bus scolaire, camion de livraison, ambulance ou camion citerne.

Bon, vous connaissez la paranoïa légendaire de votre humble serviteur face à ce type de message, qui laisse un goût amer à cause des relents de clichés et d’images d’Épinal. Ce n’est pas la première fois que je vois ce genre de publicité caricaturale comme les campagnes de « Vision mondiale » qui présente l’Afrique comme un éternel camp de réfugiés au Darfour

En questionnant mon entourage, je constate qu’effectivement la publicité suscite de la frustration et les réactions ne se font pas attendre sur les blogs des acteurs des médias Africophiles

Bref.

Le but de la campagne est de favoriser l’achat de produits du groupe CADBURY, pour la fabrication de 5000 vélos qui seront distribués en « Afrique ».

Mise au point.

Je tiens à préciser que je trouve formidable et louable la démarche de fournir des vélos à des populations en besoin. En effet, le vélo est un équipement qui sans conteste facilite les déplacements dans certaines régions.

Ce qui me dérange profondément dans cette campagne publicitaire intitulée « l’usine à vélo » c’est l’utilisation d’un « marketing de la pitié », qui fait la promotion d’une imagerie « toujours plus pauvre », « toujours plus dépendante » du continent Noir. Le tout avec des clichés et un discours clairement réducteur et caricatural.

Tiens, si je faisais un parallèle, c’est comme si la Chine réalisait une campagne publicitaire en montrant les SDF (Sans Domicile Fixe) vivant sous des tentes de camping au bord du Canal St-Martin (en plein milieu de Paris), avec le message suivant : « En Europe, une tente, c’est comme un appartement ».Réduction classique que de nommer l’Afrique comme un pays et de présenter un paysage du type « camp de réfugiés » comme étant représentatif de tous les pays Africains du Cap à Conakry, en passant par Dodoma.

Mais rassurez-moi chers amis publicitaires, vous savez bien que l’Afrique n’est pas un pays n’est-ce pas ? Chers publicitaires cultivés et instruits, sachez que l’Afrique de 2009 est riche, dynamique et moderne aussi. Ce n’est pas qu’une terre aride peuplée de pauvres mendiants qui ne connaissent rien à la vie moderne. Je trouve très insultant le fait de ridiculiser de la sorte, les efforts réalisés dans chaque pays, dans le but de soutenir les stratégies marketing des multinationales.

Il est temps que l’occident accepte de respecter et reconnaître que les pays et les nations Africaines vivent une réalité plus nuancée, et non dans une posture qui flatte systématiquement leur fantasme de supériorité ou servent leurs stratégies marketing.

Certes, tout n’est pas rose, et l’aide est encore très utile. Mais le tableau est beaucoup mois dramatique que ce genre de publicité veut bien le dire.

Et oui... en « Afrique », comme partout ailleurs les gens rêvent de gagner la Star Academy (Star de demain, Cameroun), regardent des séries télévisées (Docteur Boris, Abidjan) s’instruisent (Université Cheikh Anta Diop, Dakar) et font du tourisme, tout en étant le grenier et le poumon du reste du monde.

Mais où est le mal au final ?

Effectivement, en discutant du sujet autour de moi les avis divergent. Aucun ne me dira à juste titre que c’est facile de critiquer la maladresse du message alors que je vis dans le confort Européen. Je suis persuadé que les bénéficiaires de ces vélos me diront : « Je me tape 20km par jour pour aller à l’école, alors laisse nous tranquille avec ton affaire de respect ». Comme disent nos amis Camerounais, certains répondront : « Respect là, est-ce qu’on mange ça ? ».


Touché, mais… posons-nous les vraies questions :

 Aider un individu ou un groupe tout en piétinant son « self estime » n’est-ce pas là, une façon de le garder la tête sous l’eau ?
 La première des actions positives envers un individu affaiblit n’est-ce pas celle de le respecter ?

En effet respect et dignité sont les moteurs de l’estime de soi. C’est cette fierté qui permet à un individu ou un groupe de trouver et garder la force de faire évoluer sa situation. La volonté de s’en sortir par lui-même et pour lui-même sans se considérer comme incapable d’agir sans une main tendue, et ce malgré les difficultés.

Oui, c’est vrai, je l’avoue, je parle et écris sur des choses que je ne vis pas, des difficultés auxquelles je ne suis pas confronté. Effectivement, mais c’est justement parce que je bénéficie de ce « confort », de ce recul, que je me sens le devoir de prendre la parole pour ceux qui ne le peuvent à cause de l’urgence de leur quotidien.


Mais à qui profite ce « marketing du crève la faim » en général ?

Peut-être que ce sont les gouvernants et autres privilégiés, pas toujours honnêtes, qui vont profiter de l’aide ? Comme la soudaine démarche écologique, l’humanitaire est un créneau efficace pour permettre aux compagnies occidentales de se forger une belle image (bien utile en ce moment) face aux consommateurs. Les consommateurs : Ces derniers se voient traités comme des imbéciles, maintenus dans leur ignorance qui crée des attitudes de condescendance voire de supériorité face aux « Africains » qui meurent de faim depuis toujours.

En creusant un peu, j’ai découvert que l’Afrique en question, dans la campagne, est en fait le Ghana. Et bien mes amis Européens, permettez-moi de réparer l’affront qui vous est fait en vous invitant à faire l’effort de découvrir par vous-mêmes les réalités du pays de Kwame Nkrumah : www.ghanaweb.com


Les travailleurs de l’ombre.

Il existe des centaines et des centaines d’ONG, d’associations ou même de particuliers qui œuvrent pour apporter leur contribution et avec pour seul gloire : la satisfaction d’avoir servi à quelque chose. C’est le cas par exemple de l’association A.V.V.O dont nous parlerons prochainement, de l’ONG A.I.M.E en Guinée Conakry  ou du programme Éducongo. On constate dans leur démarche de communication, un choix de visuels qui offre plus de dignité et de respect aux gens auxquels ils souhaitent venir en aide. La démarche respectueuse de ces « messieurs et mesdames tout le monde » se retrouve éclipsée par les millions de dollars de ces multinationales qui cherchent par tous les moyens à augmenter leur part de marché et rassurer leurs actionnaires.


Autocritique

Une fois dit, je me retrouve devant une réalité. Où sont nos gouvernements ? C’est bien à eux que revient la responsabilité de veiller au bien-être de leurs citoyens et non des multinationales.

Finalement, quelle légitimité ai-je pour critiquer des entreprises qui réalisent une action concrète. Action qui, de toute évidence, va aider un grand nombre d’individus dans leur quotidien. Cela m’oblige à questionner ma propre action, notre propre capacité à nous mobiliser et apporter notre soutien (et non aide) en tant que Diasporas nantis dans le confort de l’occident.

Je profite de l’occasion pour féliciter et encourager des associations comme POSITIVISION (basé au Canada) ETNICITÉ (basé en France),  le groupe ARSYF/Europe/USA/Canada/Guinée qui se mobilisent tant bien que mal pour apporter leur pierre à l’édifice. Des gens honnêtes, dévoués, courageux et surtout respectueux des hommes et des femmes d’Afrique qui, au final, sont beaucoup plus courageux, ingénieux et forts, que nous le sommes.

Plus que jamais, je me rends compte que « C’EST À NOUS DE LE FAIRE ». Parler et écrire sur nos indignations est une chose, mais agir en est une autre. J’espère tout de même que cet article aura permis à tout un chacun, de mesurer la responsabilité qu’il a face à l’importance de respecter MAMA AFRICA... On lui doit bien ça.

 

Par Modio, Bruxelles

Publié dans Libre Pensée

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